Cet article de R. Tréno, intitulé « Le grand Croquemitaine » et publié dans Le Canard enchaîné du 11 septembre 1963, est une réponse satirique à une lettre ouverte écrite par l’humoriste américain Art Buchwald, parue dans le New York Herald, adressée à Charles de Gaulle. Buchwald y défendait ironiquement « MonGénéral » contre les critiques des mères américaines qui craignaient que leurs enfants soient nourris de lait radioactif à cause des essais nucléaires.
La lettre se moquait de la tendance des Américains à blâmer de Gaulle pour divers problèmes planétaires. R. Tréno s’appuie sur cette lettre pour souligner, dans un registre tout aussi ironique, le rôle de bouc émissaire qu’endossait de Gaulle sur la scène internationale à cette époque. Il illustre de manière cocasse comment, à chaque fois qu’un problème surgit, qu’il s’agisse de la guerre froide, des crises politiques ou sociales, de Gaulle est systématiquement tenu pour responsable. Tréno fait un parallèle avec d’autres figures mondiales comme Kennedy ou Khrouchtchev, qui eux, selon lui, n’auraient jamais été la cible d’un tel humour caustique de la part de Buchwald, tant l’aura de de Gaulle semble singulière.
Cet article s’inscrit dans le contexte des tensions internationales des années 1960, notamment la guerre froide, les crises de décolonisation, la guerre d’Algérie, et la politique nucléaire de la France. Tréno exploite ces événements pour accentuer l’image d’un de Gaulle omniprésent sur toutes les scènes politiques, tantôt blâmé pour les malheurs du monde, tantôt admiré comme un rempart infaillible. “On comprend que les mères américaines disent à leur bébé : si tu n’es pas sage, j’appelle le général de Gaulle”.