Dans l’article « A bas la liberté ! Vive la licence ! » publié le 16 octobre 1946 dans Le Canard Enchaîné, Pierre Bénard critique avec une ironie mordante les pratiques de marché noir et la corruption omniprésente dans la société française de l’après-guerre. Bénard se moque des scandales quotidiens, qu’il considère comme révélateurs de la véritable abondance cachée par les autorités sous des régulations strictes et inefficaces.
L’éditorial commence par noter que la production de scandales a dépassé celle d’avant-guerre, et que malgré les irrégularités flagrantes, ces scandales montrent qu’il y a des ressources disponibles : des textiles, de la farine, de l’essence et du tabac. Cependant, ces biens sont accessibles seulement par des moyens frauduleux ou sur le marché noir, ce qui souligne l’inefficacité et la complicité de l’État dans ces opérations illégales.
Bénard dénonce l’État et ses agents pour leur rôle dans la protection et la facilitation du marché noir, malgré leurs actions apparentes pour le combattre. Il décrit les ministres comme complices, voire initiateurs des activités illicites, et souligne le paradoxe d’une armée de contrôleurs qui échoue à contrôler, car leur véritable intérêt est de maintenir le statu quo.
Le texte évoque également la protection des « situations acquises », suggérant que la réglementation existante sert principalement à maintenir le pouvoir et la richesse de ceux qui en profitent, comme dans le cas du capitaine Millant et ses relations avec les grands magasins.
En conclusion, Bénard critique la réticence de l’État à abroger ces réglementations absurdes, préférant maintenir un système où la licence et la corruption sont monnaie courante. Il suggère que si l’État distribuait directement les ressources de manière transparente, cela permettrait à la société d’être plus honorable et réduirait la tentation de l’illégalité.
Avec un ton cynique, Bénard présente une société où la licence (entendue ici comme la liberté de trafiquer) est préférée à la véritable liberté, car elle permet à certains de s’enrichir, même au détriment de l’honneur et de l’intégrité.