Dès 1925, la « Commission de Défense du Territoire » propose l’édification d’un « système discontinu de régions fortifiées », de la mer du Nord à la Méditerranée, soit sur plus de 700 km. Succédant en 1929 à Paul Painlevé comme ministre de la Guerre, André Maginot (1877 – 1932) fait voter par le Parlement un budget de 3,3 milliards de francs (~ 2,3 milliards d’euros) pour construire, en 4 ans, cette nouvelle ligne de défense, statique, que la presse baptisera « ligne Maginot » en 1935, trois ans après sa mort. Maginot est persuadé que des défenses fixes sont la meilleure solution pour répondre aux futures classes démographiques creuses de la France, décimées par la boucherie de la « Grande Guerre ».
Maginot aux marches de l’Est –
Dans ce numéro 699 du Canard enchaîné paru le 20 novembre 1929, Pierre Scize relate une inspection des travaux qui débutent : « Avec sa canne-prétexte et ses généraux préférés, Maginot au long bec emmanché d’un long cou, s’en est allé visiter nos bastions de l’Est. Il s’agit de savoir si nous sommes prêts. A quoi ? A tout ! Ces bastions servent à toutes fins comme le sabre de M. Prudhomme. M. Maginot est prêt à jurer sur une coupole bétonnée qu’il est homme à défendre la paix jusqu’au bout et au besoin à l’attaquer. Car on travaille, dans les plaines de l’Est, entre Strasbourg et Longwy. On a creusé dans le sol des trous si larges et si profonds qu’on eût pu y ensevelir d’un seul coup toutes les victimes d’une offensive. Dans ces trous, on a coulé du ciment, on a enfoui de l’acier, des dynamos, des moteurs, on a installé des casernements, des casemates, sans oublier des infirmeries et des salles d’opération bien pourvues. Puis, on a remis de la terre là-dessus et c’est ce qu’on appelle un ouvrage défensif […] C’est que, voyez-vous, il s’agit de montrer aux autres – à ceux d’en face – quels qu’ils soient, que nous sommes là, et même un peu là ! Nous en avons des gamelles et des bidons, des fortins et des bastions, nous en avons ! ».
Scize considère que la ligne Maginot est nuisible car constituant une occasion supplémentaire de fabriquer des canons et d’alimenter la défiance des Allemands. Elle était aussi inutile en raison du développement de nouvelles armes, notamment l’aviation : « Et les fabricants d’avions de France et d’Allemagne rigolent en cadence. Enfouissez-vous sous la terre, braves guerriers. Nous passerons à quinze cents mètres au-dessus. Suffoquez dans vos souterrains : les hélices ronfleront, vissées dans l’air libre. Et dans nos belles petites carlingues, deux ou trois tonnes de bombes prêtes à choir a une vitesse croissante au carré de la distance, pèseront délicieusement, comme fruit mûr à la branche d’automne ».
En passant en mai 1940 par la Belgique et par les Ardennes, massif naturel considéré comme infranchissable par les galonnés de l’armée française, contournant les zones les plus fortifiées, l’offensive éclair allemande perça la ligne, la prit à revers et la rendit inefficace et obsolète.
SP