Nous évoquons un conflit ayant opposé deux figures de la Résistance, deux compagnons de la Libération aussi : Maurice Schumann (1911-1998), qui rejoint Londres dès juin 1940 et qui devient la voix de la France libre sur radio-Londres pendant 4 ans et André Dewavrin (1911-1998), dit le colonel Passy, organisateur et chef des services secrets de la France libre.
Après la démission du général de Gaulle en janvier 1946, Passy est l’objet d’une violente campagne de presse, orchestrée notamment par les communistes, l’accusant d’avoir détourné des fonds secrets durant la guerre pour financer le mouvement gaulliste. L’affaire Passy prend des relents d’affaire Dreyfus. Les poursuites judiciaires sont finalement abandonnées.
Schumann n’étant pas intervenu pour le défendre, Passy publie une lettre publique accusant Schumann de lâcheté, pour avoir eu peur de sauter en parachute lors d’une opération du débarquement.Ulcéré, ce dernier en appelle à de Gaulle comme témoin de moralité et arbitre suprême : « Si vous ne me donnez pas un signe de sympathie, je ne survivrai pas. » Peu après, il se prévaut d’une lettre reçue du général, qui le laverait de tout soupçon.
Mais, dans le numéro 1363 du 6 novembre 1946, Le Canard enchaîné publie ladite lettre, qui s’avère subtilement accablante pour Schumann : « 1. Vous attribuez trop d’importance à l’affaire. On a vu des gens très braves au feu qui reculaient au moment de sauter en parachute.Vous avez eu tort de vous mettre en avant pour cette mission de Bretagne, car, pendant quatre ans, vous n’avez pas bougé. 2. Quant à la lettre de Passy, voici ma façon de penser : Il vous a outragé, mais il faut reconnaître que sa fureur est explicable. Il a répondu par l’outrage à l’infamie. L’infamie, c’est le fait de lui avoir refusé un jugement. Infamie à laquelle votre parti a contribué activement ou passivement car le président du Conseil, le ministre des Armées et le ministre de la Justice sont tous les trois MRP jusqu’à preuve du contraire. Voilà ce qui arrive dans un régime où la justice elle-même est politique. Je souhaite qu’on mette fin à cette affaire pour l’honneur de tous ceux de la Résistance. »
Le Canard le reconnaît : C’est de Gaulle qui a fait en sorte que sa lettre parvienne à l’hebdomadaire…
SP