L’article « Les Belles Heures, M. Laval marie sa fille » de Pierre Bénard, publié dans Le Canard Enchaîné le 7 août 1935, utilise une satire incisive pour critiquer la classe politique et la société française de l’époque. En apparence, l’article semble célébrer le mariage de la fille de Pierre Laval, alors Président du Conseil. Cependant, sous le couvert d’un ton faussement admiratif, Bénard dénonce les inégalités sociales et la déconnexion des élites avec la réalité des citoyens ordinaires.
La satire commence par une fausse appréciation de l’époque, suggérant qu’elle offre des « raisons d’espérer » malgré les crises économiques et politiques. Bénard se moque subtilement des privilèges des élites en opposant les difficultés des classes populaires—le chômage, la pauvreté, les décrets-lois restrictifs—à la célébration fastueuse du mariage de José Laval. Il critique l’absurdité d’un tel événement mondain en le qualifiant de « quasi-national », un terme qui souligne le ridicule de donner une importance publique à une affaire privée.
Le contraste entre le passé modeste de Laval et sa position actuelle est utilisé pour souligner l’hypocrisie et la transformation opportuniste de l’homme politique. Laval, autrefois associé à la défense des opprimés et des idées révolutionnaires, est maintenant montré comme faisant partie intégrante du système qu’il critiquait. Bénard ironise sur l’ascension sociale de Laval, en notant que, bien qu’il n’ait pas réussi à améliorer les conditions de vie des masses, il a su « établir sa jeune fille » dans une position de privilège.
L’auteur utilise également l’ironie en évoquant la liste des cadeaux de mariage, offerts par des figures puissantes et influentes, dont la richesse contraste violemment avec la pauvreté de la population. Les cadeaux sont implicitement présentés comme des pots-de-vin ou des récompenses pour des services politiques rendus, transformant l’événement personnel en une affaire de corruption et de clientélisme.
Enfin, Bénard critique le manque de reconnaissance des anciens combattants envers Laval, soulignant que, malgré leurs sacrifices, ils n’ont reçu que des réductions de pensions et une indifférence politique. Le texte se termine sur une note amère, avec une ironie cinglante sur le « jour de joie » que devrait représenter ce mariage pour toute la France, symbolisant le décalage entre la vie des élites et les réalités des citoyens ordinaires.
En somme, cet article déploie une critique acerbe de l’hypocrisie politique, des inégalités sociales et du détournement des affaires publiques pour des bénéfices privés. La plume de Bénard, acérée et mordante, révèle les fractures sociales et les injustices de l’époque, tout en soulignant l’absurdité et le cynisme du pouvoir en place.