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Contes du Canard, l’artilleur
15 janvier 1919

Qu’est-ce qu’une histoire nouvelle ? C’est une histoire qu’on ne connaissait pas.

Celle qui suit me fut contée par un petit Belge de mes amis, — qui atteste le Ciel qu’elle est authentique.

Si elle n’est pas nouvelle pour vous, ce n’est pas ma faute, mais celle de ce poilu. Et il vous restera la ressource de ne pas la lire.

Au surplus, elle se passe avant la guerre – et c’est déjà quelque chose.

Il y avait, à Bruxelles, un régiment d’artillerie. Et dans ce régiment d’artillerie, un artilleur…

Sans doute ce régiment comptait-il bien d’autres artilleurs. Mais c’est à un seul que l’aventure arriva.

Mince aventure, d’ailleurs, et pourtant charmante. Voici :

Cet artilleur que nous appellerons l’Artilleur avait une fiancée. Une fiancée, si -j’ose m’exprimer ainsi qu’il comptait épouser : le fait en soi vaut d’être noté.

Sa fiancée que d’autres n’hésiteraient pas à -appeler Mieke, ou Gudule, ou Godlieve, mais dont, à la vérité, j’ignore le nom — aimait à le voir passer, avec sa batterie, quand le régiment se rendait au polygone.

Pleine d’admiration, mais sans effroi, la brave fille regardait son fiancé assis sur un avant-train, avec cet air serein et cette conscience rayonnante de l’homme qui accomplit son devoir.

Un jour, – je crois bien, d’ailleurs, c’était un Soir ; elle le pressa fort tenir ses promesses .

Nous devrions, lui dit-elle, nous marier le plus tôt possible. Ne serait-ce que pour le petit…

(Je suppose, du moins, qu’elle usa de cette phrase insidieuse.)

— Oui, oui, bien sûr…, répondit le canonnier. Mais, il faut attendre encore un peu… Car, actuellement, tu sais, je n’ai pas de situation sociale… Attends que je m’en aie fait une, de situation… ce n’est pas avec ce que le gouvernement me donne…

Et la douce fiancée avait acquiescé : Bien sûr, bien sûr… faut une situation !…

Mais elle pensait à cette situation pécuniaire et indispensable. Elle y pensait constamment, de tout son cœur ingénu. Elle se demandait ce qu’elle pourrait faire pour hâter le moment où son bel Artilleur, enfin maitre de lui-même et de ses destinées, lui donnerait son nom. Un jour, elle crut avoir trouvé :

Nous devrions nous marier… dit-elle à nouveau.

Et comme il allait l’interrompre en parlant de la situation à se faire, elle se hâta d’ajouter rougissante :

— J’ai quelques économies, tu sais je peux emprunter un peu d’argent à ma tante… Alors, si tu veux, je te donnerai tout ça, tu t’achèteras un canon et tu t’établiras à ton compte…

Car, c’était une âme simple qui n’allait pas au fond des choses.

VICTOR SNELL, dans le Canard Enchainé du 15 janvier 1919.