Ce mystérieux « hebdomadaire satirique paraissant le mercredi » –
Dans l’édition du Canard Enchaîné du 19 juin 1974, Yvan Audouard ironise sur l’habitude de certains confrères de la « presse sérieuse » d’user d’une périphrase plutôt que de citer Le Canard enchaîné, lorsqu’ils doivent reprendre ses révélations : « L’énigme reste à peu près entière. Cela fait plusieurs années, en effet, que nous voyons les médias faire allusion à un journal satirique paraissant le mercredi. Un journal fameux mais quasiment fantomatique […] Cela est troublant. Le Canard enchaîné, en effet, n’hésite pas à appeler France-Dimanche France-Dimanche, même s’il paraît le lundi, et Le Monde Le Monde, même s’il paraît tous les jours. Il lui arrive même de citer Le Parisien libéré, encore qu’il ne voie pas de quoi M. Amaury a libéré les Parisiens. Il ne saurait donc s’agir en aucune manière d’une mesure de rétorsion. Le Canard cite ses confrères. Tous ses confrères. Il leur donne parfois même la noix d’honneur (ce qui est une décoration très recherchée). On ne voit donc pas pourquoi certains d’entre eux hésitent à l’appeler par son nom […] Il convient, en effet, de préciser que cette clandestinité relative ne nous offusque pas le moins du monde et ne contrarie pas notre audience. Mais elle risquerait, à la longue, de nous faire de la peine. De semer le doute en notre âme. Personne n’a lu dans Le Canard des phrases du genre :
– ce journal qui, au nom de la liberté, en réclame la limitation. Nous avons toujours dit qu’il s’appelait Minute.
– ce journaliste, qui n’écrit pas plus mal qu’un autre, mais qui prend toujours le parti de la connerie… Moi, j’aurais dit le nom. Et ce n’aurait pas été forcément celui de Michel Droit. Dans ce domaine aussi, il y a de la concurrence.
En tout cas je continuerai, sans savoir si c’est vraiment celui auquel les silencieux font allusion, à être fier de collaborer à un hebdomadaire innommable, mais satirique et paraissant le mercredi ».
Yvan Audouard (1914 – 2004), normalien, fut, tour à tour, écrivain provençal, humoriste, conteur, dialoguiste. Il entame sa carrière de journaliste à Franc-Tireur en 1944 (souvent sous le pseudonyme de François Fontvieille) et entre au Canard en 1949, où il travaille, avec quelques interruptions, pendant près d’un demi-siècle. Il y tiendra notamment les rubriques théâtrale et littéraire, la chronique de critique de télévision La Boîte à images ainsi que la chronique de contrepèteries Sur l’Album de la Comtesse.
S.P.