En 1916, la censure, représentée sous les traits d’Anastasie, vieille fille acariâtre et castratrice aux longs ciseaux, est impitoyable et caviarde à tout va pour tous les motifs possibles : échos injurieux ou insultants, propos désobligeants ou tendancieux, mots trop pessimistes, phrases antipatriotiques ou caricatures pacifistes. Le jeune hebdomadaire paraît alors avec des blancs.
Pour contourner la censure, il faut jouer de son incohérence et user de subterfuges. Ainsi, dans le numéro 23 du 6 décembre 1916, l’article « Un nouveau jour », où Georges de la Fouchardière imaginait l’instauration d’un jour sans guerre comme il y avait des jours sans viande, à cause des restrictions, est largement censuré. Mais, trois jours plus tard, l’article est intégralement publié dans L’œuvre, de Gustave Téry, stipulant que ce texte avait été censuré par la censure… allemande ! Trompé, le censeur de L’œuvre laissa passer l’article. Du coup, puisqu’il avait été accepté dans un autre journal, l’article parut dans le Canard de la semaine suivante, sous le titre, goguenard « D’un tour de canard que nous avons joué à un censeur bête comme une oie ».
Ce procédé fut réutilisé en 1917 : « La fiancée du poilu », article en vers de G. de la Fouchardière paru dans le numéro 36 du 7 mars, fut entièrement supprimé, mais le journal L’Heure ayant réussi à le publier, le Canard put l’insérer dans ses colonnes la semaine suivante, accompagné d’un nouveau commentaire ironique…
SP