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N° 839 du Canard Enchaîné – 27 Juillet 1932

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D’un encouragement à décourager

27 juillet 1932 : Pierre Scize signe dans Le Canard enchaîné une charge magistrale contre le “tourisme moderne”. Sous un ciel d’orage, il fustige la manie d’« encourager le tourisme » comme on subventionne une industrie, déplorant une France qui détruit ses paysages au nom du loisir. Une chronique d’été d’une actualité brûlante, quatre-vingt-dix ans plus tard.

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27 juillet 1932 : Pierre Scize s’en prend au “tourisme moderne”, cette religion d’État qui abîme les paysages et les âmes

À la une du Canard enchaîné du 27 juillet 1932, l’article de Pierre Scize intitulé « D’un encouragement à décourager » est un chef-d’œuvre de satire sociale et écologique avant l’heure. Sous une apparente chronique d’été — la pluie, les touristes, les vacances —, Scize livre une charge d’une férocité tranquille contre le tourisme de masse que la Troisième République s’apprête à subventionner. Le prétexte : l’annonce gouvernementale d’un plan d’« encouragement au tourisme ». Le verdict : une condamnation sans appel de la transformation du voyage en marchandise, et du paysage en produit.

Le décor est posé dès la première ligne : « C’était une classique journée d’été : il pleuvait à verse. » Dans un hôtel de montagne noyé sous la brume et l’ennui, Scize fait entendre la voix d’un vieux fonctionnaire bavard, archétype du Français lucide et désabusé. Ce voisin de table raconte, d’un ton plein de nostalgie, l’époque bénie où l’on voyageait « pour le plaisir du voyage » : des auberges honnêtes, des routes bordées de fraises, des cantons colorés, et surtout la diversité, ce « grand luxe de la vie » désormais perdu. Tout le texte joue sur cette opposition entre le passé artisanal du voyage et la vulgarité contemporaine du tourisme industriel.

Le dialogue devient alors une diatribe. Le fonctionnaire s’indigne : « Le gouvernement songe à encourager le tourisme ! Encore une fois ! C’est terrible ! Où allons-nous ? » Derrière la caricature du râleur français se cache un discours d’une modernité saisissante. Ce que Scize dénonce, ce n’est pas seulement la vulgarisation des loisirs, mais la marchandisation du monde : l’idée que l’État lui-même, au nom de l’économie, incite à transformer les montagnes, les côtes et les villages en sources de profit. Le tourisme devient l’équivalent des grands travaux ou des subventions agricoles : une “industrie nationale” à encourager, au détriment du sens du lieu et de la lenteur.

Scize déroule alors une satire en crescendo. Il évoque « les pauvres gens qu’on entasse dans ces chaudrons à roulettes appelés autocars », la Suisse « esquintée », le Jura « sali », la Corse « banalisée ». Les formules claquent comme des gifles : « On a esquinté la Suisse, abîmé les Alpes, sali le Jura, domestiqué le Tyrol, empoisonné les Dolomites, banalisé la Corse… » Le ton est rageur, mais précis : chaque région évoquée incarne une étape du désastre. L’ironie vise à la fois le pouvoir, les industriels du tourisme et le public lui-même, complice par conformisme. Ce texte de 1932 semble déjà annoncer les dénonciations écologistes d’après-guerre — on y trouve, avant la lettre, le mot d’ordre du “développement durable” : ne pas confondre découverte et destruction.

L’un des passages les plus frappants du texte — et sans doute le plus amer — survient lorsque le narrateur imagine la tête des touristes dans leurs cars : « Ils sont maussades. Ils ouvrent, sur les sites les plus vantés, des yeux de bovidés nostalgiques. Le soleil les rôtit, la poussière les aveugle, la pluie les enrhume. » Le voyage moderne est devenu une corvée, une succession de déceptions emballées dans des brochures mensongères. Scize en tire une morale cruelle : la plupart des voyageurs, dit-il, « regrettent leur salon familier » et « souffrent sans rien dire » du déracinement qu’on leur vend comme un idéal. Le tourisme de masse, loin d’élargir l’esprit, rend les hommes interchangeables et mélancoliques.

Mais derrière le sarcasme, une critique politique se dessine. L’année 1932 voit la France entrer dans la Grande Dépression qui suit la crise mondiale de 1929. Les gouvernements successifs, de Tardieu à Herriot, cherchent à stimuler la consommation intérieure, notamment par le loisir : on parle de congés payés, d’infrastructures touristiques, de routes alpines et balnéaires. Ce projet — qui sera repris quelques années plus tard par le Front populaire — apparaît à Scize comme une supercherie morale : « On a vanté l’enrichissement qu’apporte à l’âme le dépaysement et autres fariboles », écrit-il. Pour lui, l’État “encourage le tourisme” parce qu’il ne sait plus encourager la culture, la pensée, ou la simplicité.

La dernière page se conclut sur une note d’humour noir, digne du Canard : un badaud s’écrie, en regardant par la fenêtre : « Tiens, il ne pleut plus ! » — « Ah ! » répond le chœur soulagé. Et Scize conclut : « Non. Il ne pleut plus. Il neige. » Ironie ultime : quand on croit voir s’améliorer le temps, c’est qu’il empire. Le ciel lui-même semble rire du progrès.

Avec D’un encouragement à décourager, Pierre Scize livre l’un des textes les plus lucides du Canard entre-deux-guerres. Derrière la chronique de vacances se cache une dénonciation prophétique du tourisme de masse, de la défiguration des paysages et de la standardisation du bonheur. En 1932 déjà, la satire flairait le désastre écologique et culturel à venir.