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N° 848 du Canard Enchaîné – 28 Septembre 1932

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Au château de Rambouillet, M. Lebrun offre un déjeuner en l’honneur de M. Deibler

28 septembre 1932 : dans Le Canard enchaîné, Drégerin imagine un déjeuner où Albert Lebrun fête le bourreau Deibler à Rambouillet. Satire féroce d’une République qui rit de ses exécutions, l’article transforme la guillotine en ustensile de table et le pouvoir en bouffonnerie. Sous la farce, un malaise glaçant : la France de 1932 dîne avec la mort.

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28 septembre 1932 : quand Drégerin guillotine la République à coups d’humour noir

Dans Le Canard enchaîné du 28 septembre 1932, la plume acide de Drégerin livre une charge d’un humour macabre exemplaire, intitulée « M. Lebrun offre un déjeuner en l’honneur de M. Deibler ». Sous l’apparence d’un simple compte rendu mondain, l’article tourne en dérision la connivence entre le pouvoir politique et la machine judiciaire. À travers une scène imaginaire où le président de la République reçoit le bourreau en grande pompe au château de Rambouillet, le Canard pousse à l’extrême la logique d’une République qui, tout en se disant civilisée, continue à célébrer la mort comme un service public.

Une République qui “recommence à rire”

Tout part d’un fait réel : le 14 septembre 1932, Paul Gorguloff, l’assassin du président Paul Doumer, est guillotiné à la prison de la Santé. L’exécution, abondamment commentée par la presse, a remis la peine de mort au centre de l’attention publique. Et pour nombre d’observateurs, la cérémonie macabre a même pris des airs de soulagement national. Drégerin résume ce sentiment d’une phrase assassine : « Pour la première fois depuis la signature du traité de Versailles, on allait enfin recommencer à rire. » Le trait est d’une ironie féroce : après la guerre, après la crise, après le meurtre d’un président, la France, écrit-il, retrouve la gaieté… grâce au couperet.

Mais l’humour du Canard ne s’arrête pas à la satire d’un peuple voyeur. Le journaliste invente une mise en scène plus cinglante encore : Albert Lebrun, tout juste élu président depuis deux mois, aurait invité à déjeuner le célèbre exécuteur Anatole Deibler pour le remercier de ses bons services à la Nation. Cette fiction burlesque devient une parabole : la République bourgeoise trinque avec la mort, le sang se mêle au champagne, et la guillotine devient accessoire de table.

Un festin au goût de sang

Le texte se lit comme une farce de salon. Deibler arrive à Rambouillet « en fourgon spécial », accueilli par un général Braconnier dont le nom même ajoute à la dérision. On s’échange des plaisanteries : « En somme, général, nous sommes un peu collègues. » L’humour de Drégerin, comme celui d’un Courteline ou d’un Alphonse Allais, repose sur la fausse bienséance — l’idée que tout peut être mondain, même l’exécution capitale.

La caricature culmine lorsqu’on apprend que Deibler, homme d’esprit et “fournisseur de la maison République”, a réservé une surprise pour le dessert : « une amusante guillotine à trancher le pain, que chacun conviendrait de faire fonctionner lui-même ». Ce détail, macabre et hilarant, renverse les rôles : la société tout entière, à commencer par ses élites, devient complice du geste du bourreau. Et quand le texte ajoute que Deibler a servi lui-même le rhum, on comprend que l’auteur pousse le grotesque jusqu’à l’obscène : la décapitation est transformée en rite gastronomique, le crime d’État en animation de banquet.

L’écriture de Drégerin se déploie avec un sens du rythme et de la cruauté qui fait mouche : « Le Président a eu l’impression très nette que, pour la première fois depuis la signature du traité de Versailles, on allait enfin recommencer à rire. » Tout est là : le rire comme exutoire d’une France désabusée, qui noie dans le cynisme sa fatigue et ses échecs politiques.

Une farce politique cruellement lucide

Sous le vernis du calembour, c’est une critique implacable du pouvoir. Lebrun, présenté comme un président fade, sans éclat, se voit affublé d’une jovialité artificielle, héritée de ses prédécesseurs : « On ne saurait dissimuler longtemps qu’après un départ si prometteur, la grâce du condamné Lanio a causé une réelle et profonde déception. » En d’autres termes, la République a besoin de sang pour ne pas sombrer dans l’ennui. Cette “politique du couperet” devient la métaphore d’un régime impuissant, qui se console dans le spectacle de la justice expéditive.

Le récit se clôt sur un trait de génie noir : Deibler, après le café, invite le président à visiter son matériel et lui promet de « refuser si le sang ne jaillit pas comme il faut ». La mécanique du supplice devient métaphore de la mécanique d’État. Et lorsque le général Braconnier, impatient, conclut en criant : « Ah ça ! mais il ne peut pas se décoller, celui-là ? », le double sens — à la fois le condamné qui tarde à mourir et le président qui tarde à s’effacer — transforme la plaisanterie en sentence.

Entre humour et dégoût

Drégerin signe ici un texte d’une audace rare, d’autant plus dans un contexte où la censure morale reste forte. Sa « chronique de table » est une leçon de satire : la République de 1932, minée par la crise, par les scandales, et par la peur de l’instabilité, retrouve son unité dans l’exécution d’un fou étranger. Et le Canard, fidèle à sa tradition antimilitariste et anticléricale, transforme cette unité en grotesque : à Rambouillet, on célèbre la guillotine comme d’autres bénissent l’autel.

À travers la caricature de Lebrun et la figure pitoyable d’un Deibler mondain, c’est toute une société que le Canard met à nu : celle qui, pour continuer à fonctionner, doit rire de la mort. Drégerin, en 1932, ne raconte pas un gag : il signe un avertissement. La France qui s’amuse avec la guillotine n’a pas fini de s’y couper les doigts.