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N° 861 du Canard Enchaîné – 28 Décembre 1932

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M. Chéron vous la souhaite… Bobonne et heureuse

28 décembre 1932 : Pierre Scize taille en pièces le “grand ministre” Henry Chéron, idole des rentiers et cauchemar des esprits libres. Sous sa plume rageuse, la France devient une vieille dame qui s’évente avec son livret d’épargne, célébrant la prudence, la rente et le ventre rond. Une satire visionnaire : celle d’un pays englué dans sa respectabilité, à deux doigts de s’endormir pour de bon.

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28 décembre 1932 : Pierre Scize étrille le “Français moyen” et son ministre modèle — chronique d’une France repue

En ce 28 décembre 1932, Le Canard enchaîné conclut l’année sur une charge d’une férocité jouissive. Sous le titre “Chéron’s and Partner”, Pierre Scize règle ses comptes avec le gouvernement de Joseph Paul-Boncour et surtout avec son ministre des Finances, Henry Chéron, incarnation selon lui de la médiocrité satisfaite, du “bon sens” rural et du conservatisme triomphant. L’article, d’une verve implacable, résume le désenchantement d’une époque : celle d’une France engluée dans la crise, qui se console de ses échecs économiques en célébrant les vertus du portefeuille bien tenu et de la moustache patriarcale.

La France qui se “pète de rire”

Dès la première ligne, Scize frappe fort : « Il paraît que la France est contente. Elle trépigne de joie, la France. Elle pète de rire. » Cette entrée en fanfare, scatologique et sarcastique, annonce la couleur. Le pays, saigné par la crise mondiale et las des scandales politiques, se donnerait des airs de satisfaction sous prétexte d’avoir trouvé son “grand ministre”. Mais pas Paul-Boncour — trop cultivé, trop “internationaliste” — non : le vrai héros du jour, c’est Chéron, “ce vieux veau qui rassure la France”.

Dans cette satire au vitriol, la “France” devient un personnage collectif grotesque, ventre mou de la Troisième République. Elle applaudit l’ordre, chérit la rente, redoute la nouveauté. Scize la dépeint “tordant ses petits boyaux” de plaisir à l’idée d’avoir retrouvé un ministre à son image : un provincial sans imagination, incarnation de la sagesse bornée, qui promet de ne rien changer.

Le triomphe du repentir politique

Scize raille d’abord Paul-Boncour lui-même, “Boncour-Méa-Culpa”, ce socialiste repenti dont la seule qualité semble être la contrition publique. “Il se repent d’avoir été socialiste, d’avoir poussé à la guerre des classes, d’avoir traité Mussolini de César de cirque naval.” L’humour est grinçant : le journaliste fustige la versatilité des hommes politiques, passés maîtres dans l’art du reniement, et une opinion publique qui s’en délecte. “Au fond, ce qu’on pardonne le moins, dans ce monde, c’est la fidélité à une opinion.” En une phrase, Scize livre une maxime d’une actualité permanente.

Dans sa vision du monde parlementaire, tout se rachète par le repentir : on peut trahir ses convictions, effacer ses déclarations d’hier, du moment qu’on se prosterne à temps devant la majorité du jour. La satire ne vise pas seulement Paul-Boncour : elle vise tout un régime de souplesse opportuniste, où l’homme politique n’a qu’un credo — survivre.

Chéron, l’idole des rentiers

Mais le cœur du texte, c’est Henry Chéron. Ce ministre des Finances, sénateur du Calvados, radical modéré et ancien notaire, symbolise à merveille cette “France moyenne” que Scize abhorre. Il en fait une caricature de bon sens rural : “Cette barbe queue de vache et surtout ce ventre : voilà l’idéal que la France acclame.

L’ironie est tranchante : Chéron rassure parce qu’il incarne la stabilité, la décence, la lenteur. Il parle d’économie domestique, de livret de caisse d’épargne, de “petits ruisseaux qui font les grandes rivières”. Autrement dit, il apaise une France apeurée par la modernité, la crise et les réformes. Scize voit là une abdication nationale : le culte du petit profit remplace l’esprit d’audace, la morale comptable tient lieu de vision politique.

Dans un passage magistral, il résume ce conformisme : “Les bien-pensants sont ravis d’avoir en lui l’ex-ami de l’archevêque de Thérèse… Les patriotes sont heureux de savoir que l’armée ne manquera de rien, ayant en Chéron l’homme qui abolit l’usage des chaussettes russes dans les corps de troupes.” Le comique repose sur l’accumulation absurde de petits symboles réactionnaires, érigés en vertus nationales. C’est tout un pays qui se rassure à coups de traditions creuses, d’économies mesquines et de slogans patriotiques.

La France repue : satire d’un pays en crise

Scize ne s’attaque pas seulement à des individus : il dissèque une mentalité. Celle d’une nation fatiguée, repliée sur ses certitudes, qui célèbre ses comptables et ses vieux notables comme des héros. Le portrait du “Français classique, l’homme moustachu” est une véritable scène de genre : « La main sur le cœur, sortant d’un vieux monument crevassé, il reprend sur l’écran de nos destinées nationales. » Derrière le lyrisme moqueur, une angoisse : la France, paralysée par la peur du changement, s’apprête à rater encore une fois son époque.

Le “Français moyen” que Scize décrit — petit bourgeois, patriote, catholique, obsédé par la sécurité — est l’antithèse de l’esprit d’avant-guerre, celui de 1919 où tout semblait possible. En 1932, la crise mondiale a tué l’optimisme républicain, et la satire du Canard prend la forme d’un cri : « Ne venez pas nous parler de crise. Il n’y a de vrai que la laine, le livret de caisse d’épargne et le trois pour cent. » Autrement dit : le pays s’enfonce, mais se console en regardant grossir ses intérêts.

Un pamphlet politique et moral

Avec ce texte d’une modernité désarmante, Scize ne se contente pas de brocarder des figures politiques : il stigmatise l’esprit même de la Troisième République finissante — prudente, frileuse, engourdie. Son style, à la fois trivial et fulgurant, emprunte à la verve pamphlétaire de Léon Bloy autant qu’à la langue populaire.

“Avec de bonnes retraites militaires, des prisons bien vastes, le Français moyen se sent revivre.” Cette dernière gifle claque comme une prophétie : deux ans plus tard, c’est ce même “Français moyen” que Léon Blum devra affronter, et qui préfèrera la peur du désordre à la réforme sociale.